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Le berger des colinnes

Le berger des colinnes

23 novembre 2025 - Frederic Badie
Sur la colline qui surplombe le village d’Allauch… Un vieux berger, assis à l’ombre d’un olivier, son bâton tanqué dans la terre, regarde l’horizon… avec cette sérénité qu’ont les hommes qui prennent leur temps… Et qui savent se ménager.
À ses côtés, son fils… encore jeune, en plein apprentissage de sieste, écoutait le mistral lui rapporter le chant des cigales.
Ce moment de méditation provençale fut perturbé par l’arrivée d’un homme… Transpirant… l’air bougon… Et les chaussures pleines de poussière.
— Hooo berger, tu es d’ici ? — Et d’où tu veux que je sois ?
— Ha bien… alors tu es d’ici… — Ha bien… et les gens du village, là… comment sont-ils ? Parce que je pense un peu m’installer par ici.
Le berger leva un sourcil… tout doucement… Comme s’il risquait de se faire un claquage.
— Dis-moi d’abord… comment étaient les gens dans ton village à toi ?
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— Ho pauvre de nous… une vraie misère ! Tous fadas, encore plus bêtes que méchants. Le boulanger faisait un pain qu’on pouvait assommer les sangliers avec… Et il le cuisait à peine pour le vendre plus lourd ! Et Fernand, le gérant du cercle… plus commère que sa femme…
J’étais d’ailleurs fâché avec tout le monde… Et c’est pour ça que je pars ! — Ha ben ici… c’est pareil.
L’homme grogna, pesta dans sa barbe… Et repartit vers le village d’un pas sec… les sourcils froncés… En jurant des bon Diéu, des bon Diéu…
Quelques jours plus tard… Un autre voyageur grimpa la colline… Un panier sous le bras… et un sourire aux lèvres.
— Hooo berger, tu es d’ici ? — Et d’où tu veux que je sois ?
— Ha bon… ben alors tu es d’ici… — Et les gens du village… comment sont-ils ? Parce que je pense à m’installer un peu par ici.
— Dis-moi d’abord… comment étaient les gens dans ton village à toi ?
— Hoooo… des gens charmants, vraiment. Le boulanger faisait le pain de son mieux… et vraiment pas
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mauvais… Et Fernand, le gérant du cercle, savait tout sur tout le monde… Mais toujours là pour rendre service.
Ils vont me manquer, tu sais… Mais moi, que veux-tu… j’aime bien découvrir de nouvelles fougasses… Alors je vais m’installer un peu dans ce pays-là !
— Ha ben ici… c’est pareil.
L’homme le remercia… Salua le minot d’un clin d’oeil… Et repartit en fredonnant vers le village.
Alors le petit, les yeux écarquillés, demanda à son père :
— Mais papa… tu as menti… du moins à l’un des deux ! — Mais non, pitchounet.
Je n’ai pas menti. Mais tu vois… dans la vie… Chacun porte son propre soleil… Ou ses propres nuages.
Le village, lui… il est pareil pour tout le monde. Il est ce qu’il est ! Ce qui le change… C’est les yeux du fada qui le regardent !