Figurez-vous que la petite Mireille est rentrée un beau matin à sa ferme… Pleine comme une figue du mois d’août !
Pas de fiançailles… pas de mariage… Et le ventre aussi rond que celui de Monsieur le Maire !
Depuis… quand elle passe dans le village… Tout le monde dit : — Tiens, la petite Mireille a fêté Pâques avant les Rameaux !
Le problème… C’est que la petite Mireille n’a pas quitté le village depuis sa naissance…
Et si elle se retrouve avec un moussaillon dans la cale… C’est certainement pas par l’opération du Saint-Esprit !
La petite graine… Elle provient certainement d’un jardinier !
Elle n’attend tout de même pas… ce bon Jésus !
Alors là, dans le village… ça a jasé. D’abord, tout le monde soupçonnait Fernand, le gérant du cercle.
Il se vante toujours d’être un chaud lapin… il dit : — Moi, tous les matins : je monte le chapiteau !
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Ouais… ben comme lui dit sa femme… C’est pas le tout de monter le chapiteau… Encore faut-il assurer le spectacle !
Ce Fernand… il avait un oncle… mon Dieu qu’il était beau !
Il était de la ville… il faisait le voyou… Il a fini à la prison d’Aix.
Là-bas… ça a mal tourné… Il s’est découvert une nouvelle passion.
Quand il est rentré à la prison d’Aix… on aurait dit Alain Delon ! Par contre… quand il est sorti… C’était plutôt Aline de Luynes !!!
Et puis… on a su.
Où la petite Mireille, elle s’était faite piquer…
À côté de notre village, depuis un an ou deux… Ils ont construit le camping ! Avec des cabanes… et des tentes comme les Indiens !
Vous savez… Eh oui ! Pour une fortune, tu dors dans une tente comme les Indiens ou
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dans un clapier à lapin… Et tu te laves dans le lavoir… tous en troupeau… comme les chèvres !
Figurez-vous que la petite Mireille… Elle allait jouer au camping.
Et là… c’est reparti sur les pronostics : — Sainte Mère des Padiéu… Ne me dites pas que c’est un étranger ??? Un mec de Marseille ? Ou de Roquevaire ?
Pire ?
Pire : un garçon de Peypin ?
Pire ???
Allez… elle nous a commis la faute suprême… Le déshonneur… la malédiction sur tout le village…
… un Aixois !
Non… et figurez-vous qu’il était même pas de la France ! Il s’appelait… Jōrgen !
Et là, tout le village : — Jōrgen ! Jōrgen ? Jōrgen ???!!!
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Mais c’est pas un nom, ça, Jōrgen ! C’est un modèle de meuble… Qu’à cette époque… on n’a même pas encore inventé !
Francette, sa mère… elle était dans un état ! Et son père… déjà qu’il était à moitié fada… Il en a fait une crise d’apoplexie.
Il a fini avec la bouche en traviole… Et les yeux qui parpèlègent !
Alors, le coeur gros… il a fini par jeter la petite dehors… Pour sauver l’honneur.
Ils ont tous fini malheureux comme les pierres…
Tout de même… Cette petite Mireille n’a pas commis un crime si horrible !
Hooo… ce crime… Y en a qui le commettent plusieurs fois par jour… Et ils s’en vantent pas !
Et puis, des blonds aux yeux bleus… à La Treille… Elle n’en avait jamais vu.
Le charme de la nouveauté… certainement !
On peut bien lui pardonner… D’avoir été amoureuse…
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Jōrgen est parti un beau matin… Ne sachant pas que… un beau jour… Dans les rues des Bellons… On verrait courir un enfant blond… Avec les yeux bleus comme l’eau des sources.
Après Jōrgen… Mireille, Qui était partie avec son petit bastardon sous le bras pour la ville… Pour éviter les railleries basses des mégères du village… A eu bien du mal à se débrouiller.
Comme elle était seule, au milieu des automobiles, de la rue et du béton… Elle a cherché un peu de réconfort… Dans les bras de ceux qui en profitaient.
Son pauvre coeur… Il essayait de se raccrocher à chaque homme… Qui faisait semblant de l’aimer.
Alors là, voyez-vous… c’est terrible.
Vous savez… les filles qui ont la jambe légère… Sont souvent celles qui ont le coeur lourd.
Figurez-vous qu’elle finit par se marier… À un gentil couillon… mais riche homme d’affaires de la Plaine… Et eut une vie presque heureuse.
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Je dis presque… Parce que tous les soirs… La petite Mireille, qui avait payé sa faute peut-être un peu trop cher… Avant de s’endormir… sortait de sa poche un petit bout d’étoffe… Et le collait sur ses lèvres.
Un petit bout d’étoffe… Qu’elle avait arraché en chahutant… De la chemise d’un beau blond… Qui était le portrait craché de son grand fils.
Les parents de Mireille finirent par mourir d’estranssi… Et son petit appela papa un homme… Avec le coeur assez grand pour l’aimer comme son propre fils.
Au milieu de ses bruns de frères… Plus personne ne fait la différence.
Alors n’oubliez jamais… Que des vipères aux mots venimeux… Peuvent briser le destin des petits amoureux…
Heureusement que Dieu a envoyé sur Terre… Des anges assez couillons… Pour prendre sous leurs ailes… Les petits bastardons.
